• Berko FISCHMAN

    Le 5 janvier 2017, lors d'une sortie aux archives départementales à Rouen, j'ai vu pour la première fois le nom de Berko Fischman. Son nom, comme celui de beaucoup d'autres personnes, était écrit sur un procès-verbal d'arrestation, datant du 6 mai 1942, j'ai pu en sortir quelques informations sur Mr. Berko Fischman. 

    Par exemple, je sais qu'il était né à Dambewitz, le 13.05.1844. Il était de nationalité Russe. Il habitait 1 rue Percière à Rouen, une rue que je connais assez bien puisque j'ai vécu au 72 rue Jeanne d'Arc et que mon appartement donnait sur cette rue, il y a un peu plus d'un an. Je ne saurais vous dire si il y avait déjà ce petit bar, dans lequel j'ai souvent été boire un verre en rentrant du boulot ou des cours pour me détendre. 

    Actuellement je me trouve au centre de la salle 15 à travailler sur cet écrit, parmi 10 autres personnes qui forment d'autres groupes. Notre formatrice est assez stressée, par rapport au timing. 

    J'ai commencé à connaître la ville de Rouen, lorsque je suis venue y vivre pour mes études. Je sais donc que Mr. Fischman habitait 1 rue Percière tout près du Palais de Justice, endroit devant lequel je passe régulièrement quand je suis dans Rouen. Cet homme a été arrêté une première fois le 16 mars 1942 et il fut emmené à la prison Bonne Nouvelle. D'après ce que je peux lire, il a été interné à Pithiviers, où il a été conduit par le convoi n°14 à destination d'Auschwitz le 03 août 1942. Visiblement, il était avec 1 033 autres personnes pour lesquelles l'arrivée fut terrible, car je peux lire, sur la photographie des convois à Auschwitz : 482 personnes gazées. Il restait donc 22 hommes et 542 femmes vivants de ce convoi pour aller travailler dans ce centre de mise à mort. 

    En début d'année scolaire, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre, quand on m'a annoncé ce projet. Je me posais des questions par rapport au voyage, ce que je verrai sur place, ce que je pourrais ressentir comme émotion... Une multitude de questions est venue se loger en moi. 

    Je pense qu'il a dû arriver à Auschwitz aux alentours du 6/7 août 1942, je peux supposer qu'il a été assassiné dès son arrivée au camp car 482 personnes ont été tuées des leurs premiers pas sur le camp ou bien il a peut-être été assassiné plus tard après plusieurs jours de travail sur le camp. Mais je peux malheureusement être sûre qu'il n'a pas survécu à cette rafle. 

    Lundi 20 mars, je suis allée avec ma classe à la synagogue de Rouen situé 55 rue des Bons Enfants, où j'ai pu voir des plaques commémoratives portant la plupart des noms des déportés de Rouen... 

    Contre toute attente le nom de Monsieur Fischman n'y figure pas. Pourquoi ? 

    En parlant avec le trésorier de la synagogue, il a expliqué que des noms avaient dû être « oubliés » mais qu'il essayait de trouver des fonds afin de pouvoir rajouter une plaque avec les noms manquants. 

    Cette journée du 20 mars 2017, j'ai parcouru les rues de Rouen avec trois autres filles afin de retrouver les lieux où habitaient ces personnes déportées. Quand je suis arrivée rue Percière, je savais que cette rue existait déjà en 1942, qu'elle n'avait pas changé de nom, mais était-elle déjà comme ça ? Y avait-il déjà une librairie ? Un bar ? Un restaurant ? Rien ne pouvait me le dire ! Je ne peux pas être sûre que sa porte était celle que j'ai vue en ce jour ! Etait-ce cette petite porte d'un mètre de large sur 2m50 de haut ? Était-elle de couleur grise comme maintenant ou a-t-elle été repeinte ? Était-elle en bois comme maintenant avec du fer forgé au milieu ou non ? Toutes ces questions restent aujourd'hui pour moi sans réponse. 

    D'après ce que je sais, Berko Fischman était marchand ambulant, je suppose donc qu'il devait se lever tôt le matin mais avait-il peur de vivre dans cette rue, de partir seul le matin de cette rue ? Pour moi je ne pense pas ; car cette rue est située à deux pas du palais de justice, cela devait être un endroit donc assez sécurisé comme aujourd'hui je pense. 

    Par mes collègues de classe, j'ai pu savoir que d'autres déportés habitaient juste la rue derrière la sienne, mais je ne sais pas si il les connaissait, peut-être était-ce des amis ? Des collègues ? A-t-il aussi connu cette ville comme nous la connaissons aujourd'hui vivante en journée comme dans la nuit ? Était-elle touristique en ce temps-là ? Y avait-il déjà des magasins peut-être pas autant mais en existait-il ? 

    Je ne peux pas dire grand-chose sur sa vie en général, sauf ces petites choses déjà énoncées auparavant et qui témoignent de sa vie. 

    Car je ne saurai jamais si il avait des amis, avec qui il pouvait passer des soirées à rigoler, à parler sans se prendre la tête, à décompresser ou était-il plutôt du style renfermé à rester seul chez lui. 

    Le voyage en Pologne, ces déplacements au mémorial de Caen, m'ont apporté énormément de renseignements, d'éléments que je n'aurais pas imaginés ou que je ne savais pas ; mais certains points, certaines questions restent toujours sans réponses. 

    Pour Mr Berko Fischman des éléments me manquent, des choses de sa vie auxquelles je ne peux répondre resteront un éternel secret emporté avec lui. Mais par cet écrit je LUI rends hommage, à lui et à toutes ces personnes assassinées et je leur montre que nous aurons toujours une pensée pour eux. Qu’il nous est impossible de les oublier. Nous ne pourrons jamais savoir exactement ce qu'ils ont ressenti et vécu mais on peut faire une chose : éviter tout conflit inutile ou toute action qui pourrait nous ramener en 1942. 

                                                                                                                                                                                                                                           Aline